Lames fines et d'estoc : La théorie

Pascal
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Les lames fines sont ma spécialité. Je ne suis pas le seul bien sûr, comprenons-nous bien, je veux juste dire que c'est ce que je préfère fabriquer. C'est ce qui m'a conduit à utiliser du carbone et du profilé de planche à voile (voir l'article sur les armatures d'armes de GN, on ne va pas revenir dessus). Du coup, j'en suis venu à tester des solutions assez extrêmes. Je vous présente ici les meilleures.

Quelques expériences

Une rapière

Un jonc (ou baguette) de carbone de 8mm avec de la mousse externe de 2mm. Au final, j'ai obtenu une rapière de 13mm d'épaisseur (en comptant la colle et le latex) suffisamment rigide pour parer les épées à 2 mains (du moins celles qui sont raisonnables, pas les monstres de 2 kg). Je passe sur les détails de la garde en vrilles de mousses que j'ai peaufinée pendant près de 5 heures, sur le fourreau et le baudrier en cuir, etc. C'était une pure merveille ! Je recommande aux forgerons qui commencent à toucher du cutter de se lancer dans ce genre de plaisir.

Inconvénient : La mousse de 2 mm, c'est quand même fragile, alors il faut vraiment en prendre soin.

Faux problème : La frappe avec le plat va faire mal. Même pas en rêve ! L'arme obtenue est tellement légère et tellement plate que la prise au vent vous freine et vous remet l'arme dans le bon sens dès que vous frappez du plat.

Une vraie rapière fait de 65 à 85 cm de long sur 2 à 3 cm de large (près de la garde).

Un Djian (épée fine chinoise)

Un profilé de planche à voile dans son extrémité la plus fine et deux épaisseurs de mousse de 8mm. C'est bizarre d'utiliser deux épaisseurs de mousse au lieu de trois mais il ne faut pas perdre de vue qu'on parle de "profilé", une structure rigide interne à section rectangulaire. Donc j'ai pratiqué une tranchée adaptée à la largeur du profilé dans mes deux planches de mousse et j'ai collé le tout. Je précise toutefois que la taille du tranchant en plein dans le collage a été une vraie "partie de plaisir" (c'est de l'ironie, j'en ai bavé). Bref, au final on obtient une arme très fine également mais surtout flexible, très flexible, tellement flexible qu'elle est d'un maniement... particulier. Pour autant, elle se tient droite. Ce n'est pas un truc qui se courbe sous son propre poids, elle a vraiment de l'allure, mais il suffit de la secouer pour la voir légèrement onduler. L'effet est saisissant, comme les vraies !

Inconvénient : Ce n'est pas une arme facile à manier. Comme je l'expliquais pour la rapière, la légèreté, la finesse et la prise au vent font que toute trajectoire qui n'est pas parfaitement dans le sens du tranchant tend à ralentir l'arme et à la remettre dans l'axe. Avec la flexibilité en plus, on a une arme qui va ralentir et accélérer de façon assez imprévisible, provoquant vite la fatigue et générant une sensation plutôt désagréable... du moins pour le néophyte. Pourtant, avec un peu d'habitude, on peut exploiter les caractéristiques particulières de cette arme et bien rigoler...

Un "dijan" fait de 50 à 75 cm de long sur 8 à 12 cm de large (au niveau de l'arrondi près de la pointe).

En conclusion : une expérience à mener !

Le défi de la pointe

Sur la base de ces deux exemples et moyennant quelques petites innovations, on devrait pouvoir fabriquer des armes d'estoc tout à fait fonctionnelles... Il nous manque juste une chose pour que ça marche : une pointe plus résistante ! On va s'en occuper...

  • A la base, il faudrait utiliser un profilé de planche de voile (c'est malheureusement de plus en plus difficile à trouver...) dans son extrémité la plus fine.
  • Si on veut vraiment être vicieux, on le scie en deux dans le sens de la longueur pour en réduire la largeur de moitié (sans une mini scie circulaire, n'essayez même pas).
  • On prend deux planches de plastazote de 5 ou 6 mm d'épaisseur et on creuse un tranchée dans chacun des deux pour pouvoir placer le profilé.
  • On fixe les morceaux ensemble et on laisse sévèrement sécher avant d'envisager une taille de tranchant au beau milieu de la colle !
  • Avec du plâtre ou ce que vous voulez, on prend un moule de la pointe. Je ne m'étendrait pas sur les techniques de moulage, ce n'est pas ma spécialité.
  • On découpe et on ôte la pointe en mousse et on moule une nouvelle pointe, en latex. Déjà là, je vois deux possibilités. La première : la pointe en latex se positionne à l'extrémité du profilé et repose contre lui (ça me parait le plus simple mais aussi le moins solide). La deuxième : le moulage de la pointe en latex est fait directement sur l'arme et enveloppe l'extrémité du profilé (nettement plus difficile à réaliser mais carrément plus résistant).
  • Pour finir on décore, on peaufine, on termine au latex ou au Sikafil, ou les deux, selon les goûts.

Pièges à éviter

  • Il ne faut pas faire une arme trop plate, car plus elle sera plate (fine et large), plus elle sera difficile à manier (phénomène de prise au vent dont je parlais ci-dessus).
  • Il ne faut pas nom plus réduire la largeur pour pouvoir garder une faible épaisseur (c'est tricher ça... et en plus ça marche pas). Vous allez obtenir quelque chose qui tiendra plus de la cravache que de la rapière.
  • Arrondissez votre pointe, sinon est ne résistera pas bien longtemps au chocs et frottements répétés.

La sécurité

Je suis en train de parler de faire une arme d'estoc alors que j'interdis cette pratique au début de chacun des GN que j'organise. Ca paraît bizarre... Pourtant, si l'estoc est interdit c'est justement parce que les armes actuelles de GN ne sont pas adaptées. Il est donc très intéressant d'en concevoir qui seront prévues pour.

Il restera pourtant que l'estoc augmente considérablement le risque d'un coup direct dans l'oeil. Si un coup de taille dans l'?il laissera un beau cocard, un coup d'estoc ira tout droit provoquer un déchirement de la cornée dans le meilleur des cas. Il peut même crever l'oeil avec un peu de malchance. Pour peu que la lame soit trop fine et puisse pénétrer dans la cavité orbitale cela peut même être encore plus dangereux... et là, flexible ou non les conséquences pourraient être dramatiques. Faudra-t-il porter des lunettes de protection dans les GN 17ème siècle ? Les armes d'estoc seront-elles à jamais bannies des GN ? Je n'en sais rien.

Pour le moment, la fabrication de cette arme reste un exercice de style.

Je reste sur mes positions quant à l'épaisseur des armes et la sécurité : une arme légère se maîtrise mieux et sa sûreté ne dépend que de celui qui la manie. Ce n'est que mon point de vue bien sûr mais d'un autre coté je commence à savoir de quoi je parle... Ensuite, c'est aux organisateurs et aux joueurs de faire la part des choses.

Cet article est une synthèse de la discussion "Armes à lame fine" sur le forum.

briareos
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personnellement j'ai fabriqué et testé des ames fines full-mousse (avec une âme en evazote haute densité) : ça ne permet pas de parer des coup d'épée à âme rigide, mais ça induit un style de combat intéressant -sans doute proche du comportement des épée avec une latte de planche à voile-, ça permet l'estoc et, surtout, ça me permet de confier ce gendre d'arme à des enfants en toute sécurité.